Madame, Monsieur,
L’indice de perception de la corruption dans le secteur public place la France 22ème dans le classement de 180 pays et territoires pour l’année 2021 en matière de corruption. Entre l’Uruguay et les Seychelles. Toutes les grandes démocraties sont aujourd’hui classées devant la France. Seuls les Etats-Unis, Israël, la Pologne et l’Italie sont derrière.
Pour la dernière année comptabilisée, 2019, les parquets français ont traité seulement 813 affaires de manquements à la probité, une progression d’à peine 12,6% par rapport à 2014 et même une régression de 2018 à 2019.
Sur ces 813 affaires, seules 574 ont fait l’objet de poursuites, et seules 332 ont finalement donné lieu à des condamnations – soit 21,3% de relaxe contre 7,4% en moyenne pour les autres délits en France.
Nous estimons que ce n’est pas suffisant et qu’il est nécessaire de mener aussi le combat contre le corrupteur, lequel échappe aujourd’hui bien trop facilement aux poursuites, et même aux condamnations. Ce combat demeure à ce jour le maillon faible dans la lutte anticorruption.
Il nous paraît donc urgent de renforcer les outils déjà existants en France de lutte contre la corruption, qui sont insuffisants.
À cette fin, et pour informer les Français sur votre programme dans le cadre de la campagne présidentielle, nous souhaiterions que vous répondiez aux questions suivantes.
Vous trouverez, ci-dessous, les raisons et l’esprit de nos propositions et questions. Nous vous sommes très reconnaissants de prendre le temps d’y répondre.
Et nous vous prions bien vouloir accepter nos salutations les plus respectueuses.
Il est nécessaire de mettre en place une politique publique effective contre la corruption qui intègre aussi bien les instructions de sévérité destinées aux parquets, que le renforcement des moyens des pôles spécialisés existants (JIRS) et un calendrier d’évaluation de cette politique par des organismes internationaux indépendants.
Il est également nécessaire de renforcer plus spécialement les moyens du Parquet National Financier qui est critiqué de manière infondée par certains hommes politiques.
La lenteur du traitement des affaires de corruption est l’un des principaux obstacles à leur prise en compte par les décideurs et par le grand public. Comment prendre la justice au sérieux quand des affaires portant sur des sommes importantes ne sont jugées que 5 à 10 ans plus tard, alors même que les entreprises visées auront peut-être disparues entretemps, et que les profits réalisés auront été largement exploités par leurs bénéficiaires ? A l’inverse, est-il sain pour son entreprise qu’un dirigeant subisse la pression d’une procédure inutile pendant plusieurs années, au lieu d’être fixé suffisamment rapidement pour pouvoir en tirer les conséquences qui s’imposent dans la marche de ses affaires ?
De nombreuses juridictions spécialisées existent déjà en matière de propriété intellectuelle, de contestations électorales, etc. Dans la mesure où des services spécialisés existent déjà dans le domaine de la corruption (notamment le Parquet National Financier), il serait nécessaire de créer de véritables couloirs accélérés de traitement des dossiers.
Pour cela, il faudrait d’une part augmenter l’indépendance du Parquet National Financier en lui accordant l’autonomie hiérarchique sous le seul contrôle de la Cour de cassation, et d’autre part le relier à une juridiction de jugement nationale et spécialisée qui serait ainsi susceptible d’accumuler l’information et la doctrine au fil du temps, permettant ainsi de sanctionner plus rapidement les litiges qui lui seraient présentés.
De nombreux médias appartiennent aujourd’hui à des acteurs privés qui n’hésitent pas à les instrumentaliser au service de leurs intérêts personnels, par des biais plus ou moins directs en fonction de la capacité des rédactions à servir de contrepoids.
Il serait nécessaire que chaque média se voie contraint de dévoiler, article par article, les éventuels conflits d’intérêt en lien avec ses actionnaires ou dirigeants.
Des opérations d’envergure nationale sont de plus en plus souvent décidées non pas en raison de leur intérêt industriel ou commercial, mais en fonction de leur seule capacité à générer des profits financiers pour les intermédiaires qui pourront se positionner pour les réaliser.
À cette fin, et dans la foulée de l’article L151-3 du Code monétaire et financier qui définit la catégorie des investissements sensibles, il serait nécessaire de créer une infraction de trahison économique associée à une supervision particulière de ces opérations afin que la puissance publique soit en mesure de s’assurer que chaque intervenant y poursuit bien des opérations conformes à l’intérêt général, ou au moins à l’intérêt de l’entreprise concernée en particulier.
En l’état, le délit de prise illégal d’intérêt n’incrimine pas le conflit d’intérêt.
Il est nécessaire de renforcer cette incrimination – comme c’est le cas en Allemagne par exemple, s’assurant ainsi que les hauts fonctionnaires et les corrupteurs ne puissent créer à leur profit des situations de conflits d’intérêt, sans pour autant consommer matériellement l’infraction de prise illégal d’intérêt en elle-même.
En 2017, sur les 243 condamnations prononcées pour manquement à la probité à l’encontre de personnes physiques, 50 seulement ont été prononcées avec de l’emprisonnement ferme, et ce avec un quantum moyen de 21,7 mois.
Autrement dit, non seulement les condamnations sont rares, mais les peines prononcées ne sont pas très élevées.
Et cela alors que les infractions de corruption sont parmi les plus lucratives – et donc les plus motivantes pour les corrupteurs, et que ce sont celles qui génèrent les plus importants dégâts – pouvant parfois détruire des entreprises entières, voire des pans entiers de l’économie.
Par ailleurs, jusqu’en 2010, l’article L.7 du code électoral entraînait automatiquement la suppression des listes électorales de personnes condamnées à certains délits ou crimes, conduisant de facto à l’inéligibilité ; elle était alors prononcée pour cinq ans.
Cette disposition a été écartée par le Conseil Constitutionnel le 11 juin 2010. Elle a depuis été remplacée par une disposition qui rend obligatoire le prononcé d’une peine complémentaire d’inéligibilité en cas de condamnation pour un certain nombre de délits. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la peine complémentaire – ce qui arrive régulièrement.
Ainsi, il serait nécessaire d’une part d’augmenter les sanctions applicables, voire – au regard de la gravité sociale particulière de ces infractions – de revenir à un dispositif de peines planchers comme celui qui existait en France de 2007 à 2014 et, d’autre part, de s’assurer que les peines complémentaires d’inéligibilité soient d’une durée minimale suffisante pour être incitatives, et ce quelle que soit la peine principale qui soit prononcée.
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